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PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

VII

Les parties de l’univers qui, d’après la loi de la nature, sont comprises dans le monde où nous sommes, doivent périr de toute nécessité. D’ailleurs, périr ne signifie pas autre chose que changer[1]. Mais si, pour ces parties, changer est un mal[2] naturel et un mal nécessaire, c’est qu’alors le tout serait mal constitué, les parties étant fort disparates, et, en ce qui regarde la destruction, étant traitées différemment les unes des autres. Est-ce donc que la nature elle-même a résolu de maltraiter ses parties diverses, et, en les assujettissant au mal, les y a-t-elle fait nécessairement tomber ? Ou bien tous ces phénomènes ont-ils lieu à son insu ? Les deux suppositions sont également inadmissibles[3]. Que si, laissant de côté

  1. Périr ne signifie pas autre chose que changer. Cet axiome est vrai pour la matière proprement dite ; mais il ne l’est pas pour la forme, qui disparaît définitivement pour ne plus renaître. Reste la partie spirituelle du monde, dont Marc-Aurèle ne parle point ici ; car le souffle vital, dont il est question un peu plus bas, est pris encore au sens matériel, et ne se confond pas avec l’âme.
  2. Changer est un mal. Dans le système optimiste de Marc-Aurèle, le changement n’est point un mal ; ce n’est que l’exécution des décrets de la Providence. Voir plus haut, liv. IV, §§ 14 et 21.
  3. Les deux suppositions sont également inadmissibles. Parce qu’elles contredisent également l’idée de la Providence, qu’on ne peut soupçonner ni de mal faire, ni d’ignorer.