Page:Pensées de Marc-Aurèle, trad. Barthélemy-Saint-Hilaire.djvu/380

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
358
PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

VI

Qu’il n’y ait que des atomes[1], qu’il y ait une nature[2], peu m’importe ; un premier principe qu’il faut toujours poser, c’est que je ne suis qu’une partie de ce tout[3] ce que la nature gouverne. Un second principe, suite de celui-là, c’est que je suis dans un certain rapport de parenté avec les parties de ce monde, qui sont de la même espèce que moi. Si je me souviens de ces axiomes, je ne me révolterai jamais, en tant que partie, contre le sort qui m’est assigné dans le tout ; car la partie ne peut pas souffrir de ce qui est utile au tout[4]. En effet, le tout ne peut jamais rien avoir qui ne soit dans son intérêt. Toutes les natures en sont là, et celle de l’univers en particulier. Ajoutez encore à cette première condition le privilége de ne pouvoir être contrainte, par aucune

  1. Qu’il n’y ait que des atomes. Voir plus haut, liv. IV, § 3, et liv. VIII, § 17, la même alternative posée dans des termes presque semblables.
  2. Qu’il y ait une nature. L’expression n’est pas suffisante, et il faut la compléter en comprenant qu’il s’agit d’une nature intelligente, qui a disposé les choses et qui continue à les gouverner.
  3. Une partie de ce tout. Voir plus haut, liv  II, § 3.
  4. Souffrir de ce qui est utile au tout. L’idée n’est peut-être pas très-juste, si d’ailleurs elle est héroïque. La partie peut souffrir réellement ; mais elle doit se résigner à son mal, si le système