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LIVRE X, § V.

IV

Quand quelqu’un se trompe, redresse-le avec bienveillance[1], et montre-lui son erreur. Si tu ne peux le redresser, ne t’en prends qu’à toi seul[2] ; ou mieux encore, ne t’en prends même pas à toi[3].

V

Quelque chose qui puisse t’arriver en ce monde, cette chose avait été prédisposée pour toi de toute éternité[4] ; et dès l’éternité, l’enchaînement réciproque des causes avait décrété, tout à la fois dans la trame de l’univers, et ta propre existence, et la chose qui t’arrive.

  1. Redresse-le avec bienveillance. Excellent précepte, d’une application assez aisée pour les natures douces, plus pénible pour les natures vives et emportées, que l’erreur indigne presqu’à l’égal de la faute.
  2. Ne t’en prends qu’à toi seul. Parce que tu n’auras su être, ni assez persuasif, ni assez persévérant.
  3. Ne t’en prends même pas à toi. Et, par suite, reste indifférent et tranquille. C’est une contradiction avec ce qui précède.
  4. Prédisposée pour toi de toute éternité. C’est peut-être aller bien loin et supprimer trop complètement le libre arbitre, auquel cependant le Stoïcisme et Marc-Aurèle en particulier ont la foi la plus inébranlable. La même contradiction se retrouve dans Sénèque.