Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
356
PENSÉES DE MARC-AURÈLE.
III
Tout ce qui t’arrive dans la vie, arrive de telle sorte que la nature te l’a rendu supportable[1], ou que tu es hors d’état de le supporter avec la nature que tu as. Si l’accident est tel que tu sois de force à l’endurer[2], ne t’en plains pas ; mais subis-le avec les forces que t’a données la nature. Si l’épreuve dépasse tes forces naturelles, ne te plains pas davantage[3] ; car, en te détruisant, l’épreuve s’épuisera elle-même. Toutefois, n’oublie jamais que la nature t’a fait capable de supporter tout ce qu’il dépend de ta volonté seule[4] de rendre supportable, ou intolérable, selon que tu juges que c’est ton intérêt de faire la chose, ou qu’elle est un devoir pour toi.
- ↑ La nature te l’a rendu supportable. Voir plus haut, liv. VIII, § 46, la même pensée, mais moins développée qu’ici.
- ↑ Que tu sois de force à l’endurer. Cette force de résistance varie beaucoup avec les individus ; mais l’habitude donne une puissance nouvelle même aux natures les plus énergiques.
- ↑ Ne te plains pas davantage. En d’autre termes : Résigne-toi à la mort qui te menace ; elle finira tous tes maux, s’ils sont par trop violents.
- ↑ Il dépend de ta volonté seule. C’est le fondement inébranlable de la morale stoïcienne. Il n’y a guère que le Stoïcisme qui ait compté si généreusement sur l’énergie presque toute-puissante de la volonté.