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LIVRE X


I

Ô mon âme[1], quand sauras-tu donc enfin être bonne, simple, parfaitement une, toujours prête à te montrer à nu, plus facile à voir que le corps[2] matériel qui t’enveloppe ? Quand pourras-tu goûter pleinement la joie d’aimer et de chérir toutes choses ? Quand seras-tu remplie uniquement de toi-même, dans une indépendance absolue, sans aucun regret, sans aucun désir, sans la moindre nécessité d’un être quelconque vivant ou privé de vie, pour les jouissances que tu recherches ; sans avoir besoin, ni du temps pour prolonger tes plaisirs, ni de l’espace, ni du lieu, ni de la séré-

  1. Ô mon âme. Cette tournure, qui peut nous paraître aujourd’hui un peu usée, était bien neuve au temps de Marc-Aurèle ; et je ne sais pas si ce n’est point lui qui s’en sera servi le premier. Ce retour de l’âme sur elle-même et ce dialogue intime supposent des analyses antérieures bien constantes et bien délicates. Voir plus haut, liv. II, § 6 ; et plus loin, liv. XI, § 1, la description de l’âme.
  2. Plus facile à voir que le corps. Ceci est parfaitement vrai des âmes limpides et pures ; un coup d’œil suffit pour les voir jusqu’au fond, parce qu’elles n’ont rien à cacher, ni à elles-