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LIVRE IX, § XLII.

commis, c’est que tu n’as pas assez écouté les avertissements de la raison.

C’est surtout quand tu accuses quelqu’un de perfidie ou d’ingratitude qu’il faut faire ce retour sur toi-même. Évidemment, c’est ta faute si, connaissant le caractère de cet homme, tu as pu croire qu’il observerait sa parole ; ou bien si, en lui rendant service, tu n’as pas rendu ce service sans arrière-pensée, et si, en faisant ce que tu as fait, tu n’as pas su tirer sur-le-champ de ton action même tout le fruit qu’elle comporte. Que veux-tu donc de plus que de rendre service à cet homme ? Ne te suffit-il pas d’avoir agi en cela conformément à la nature ? Te faut-il donc en outre un salaire ? C’est à peu près comme si l’œil demandait qu’on le payât, parce qu’il voit ; les pieds, parce qu’ils marchent. Ces organes ont été faits pour un but déterminé ; et, en agissant selon leur structure particulière, ils ne font que remplir la fonction qui leur est particulièrement propre. De même aussi, l’homme, qui est né pour le bien, quand il fait quelque chose de bien à lui tout seul, ou qu’il concourt autrement

    de plus que de rendre service ? Très-noble maxime, qui, plus souvent appliquée, rendrait à la fois les âmes plus pures et la