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LIVRE IX, § XXX.

tout ordre, ce voyage fait[1] dans toutes les conditions de tempête et de calme, ces diversités infinies d’êtres naissant, coëxistant, mourant ; songe aussi un peu à cette vie que tant d’autres ont jadis vécue comme toi, à cette vie qu’après toi d’autres vivront encore, à la vie que mènent à cette heure tant de nations barbares ; et calcule combien il y a d’hommes qui n’ont jamais entendu même prononcer ton nom[2], combien qui l’oublieront dans un moment, combien qui peut-être te louent aujourd’hui et qui demain s’empresseront de te déchirer. Et tu te diras que le souvenir des hommes est certainement bien peu de chose, que la gloire ne vaut pas davantage[3], et que rien dans tout cela ne mérite notre estime[4].

    le texte signifie plus simplement des rassemblements de bétail ; mais le sens général indique qu’il s’agit plutôt de ces vastes rassemblements d’hommes qui forment les nations, ou qui ont lieu, à certaines époques de l’année, pour des solennités politiques ou religieuses.

  1. Ce voyage fait. C’est sans doute du voyage de la vie que Marc-Aurèle veut parler, en prenant cette expression toute générale.
  2. Même prononcer ton nom. C’est tout simple pour le vulgaire des hommes ; mais, pour un empereur, cette franchise est plus pénible, sans être moins vraie. Voir liv. IV, § 3, et liv. VIII, § 21.
  3. La gloire ne vaut pas davantage. Voir plus haut, liv. III, § 10, et liv. IV, § 19, où la vanité de la gloire est blâmée encore plus vivement qu’ici.
  4. Ne mérite notre estime. C’est un peu trop absolu ; il y a de vraies gloires, comme celle de Marc-Aurèle lui-même ; et il y en a de fausses.