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LIVRE I, § XI.

tournure fautive ou une prononciation vicieuse qui leur serait échappée ; mais à m’arranger adroitement dans la conversation pour que le mot qui aurait dû être choisi d’abord reparût, par manière de réponse ou de confirmation, en donnant mon avis sur la chose même sans m’arrêter du tout à l’expression malheureuse, ou en prenant soigneusement tel autre détour pour dissimuler l’allusion.

XI

De Fronton[1], j’ai pu apprendre tout ce qu’un tyran peut ressentir de jalousie, et avoir de duplicité, et de fourberie, et combien ceux que

  1. Fronton. C’est le plus célèbre des maîtres de Marc-Aurèle, et celui qu’il semble avoir le plus aimé, si l’on en juge par le recueil des lettres qu’a retrouvées M. Angelo Mai, et qu’a traduites M. Cassan. Capitolin, ch. II, affirme que Marc-Aurèle honora particulièrement Fronton entre tous ses maîtres, et qu’il alla jusqu’à demander pour lui une statue au Sénat. Ce qui nous reste de Fronton ne semble pas justifier tout à fait une aussi grande admiration. Fronton était spécialement pour Marc-Aurèle son précepteur d’éloquence latine. Si d’ailleurs Fronton donnait à son élève des leçons de politique aussi hautes que celles qui sont rappelées ici, on conçoit l’estime reconnaissante que ces leçons avaient dû inspirer. Mais elles expliquent aussi comment l’Empereur put le faire consul en 161, et l’employer à des choses très-importantes. On ne sait pas la date précise de la mort de Fronton.