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PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

ton propre fonds ; et, de cette façon, elles ne sont rien. Ou plutôt ajoutes-y, mais en homme qui connaît de reste tous les accidents dont ce monde est le théâtre.

L

Ce melon est amer. — Laisse-le. — Il y a des ronces dans mon chemin. — Détourne-toi. C’est tout ce qu’il faut faire ; mais n’ajoute pas : « Pourquoi y a-t-il de pareilles choses dans le monde[1] ? » Prends-y garde ; par cette question, tu te ferais moquer de toi par quelqu’un qui aurait étudié les lois de la nature, de même que tu prêterais à rire au menuisier ou au cordonnier si tu allais leur reprocher les copeaux et les rognures

    mes enfants ? C’est pour vous que je les ai élevés. Voulez-vous quelques parties de mon corps ? Disposez-en ; je n’offre pas grand’chose. Bientôt je m’en séparerai tout entier. » De la Providence, ch. V.

  1. « Pourquoi y a-t-il de pareilles choses dans le monde ? » C’est une question très-naturelle et qui se présente à tout instant, même pour les esprits les plus sérieux. La réponse qu’y fait Marc-Aurèle est la plus solide, ou plutôt c’est la seule que l’on puisse y faire. Ces choses sont dans le plan général de l’univers, parce qu’elles y sont. Si nous savons être suffisamment humbles, nous nous soumettons sans peine à l’ignorance invincible qui nous environne sous tant de rapports. Mais c’est l’orgueil humain, et au moins aussi souvent notre faiblesse, qui se révolte, et qui réclame le mot d’une énigme que nous ne