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PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

ment ses puissances en vue de l’intérêt commun ; lorsqu’elle n’adresse ses désirs et ses répugnances qu’à ce qui dépend de nous seuls[1] ; lorsqu’elle embrasse avec amour le destin que lui fait la commune nature. C’est qu’en effet l’être raisonnable en est une partie, tout comme la nature de la feuille est une partie de celle de la plante ; si ce n’est pourtant que la nature de la feuille fait partie d’une nature insensible, dénuée de raison, et qui peut être contrariée dans son développement, tandis que celle de l’homme relève d’une nature que rien ne contrarie, ni n’arrête, d’une nature douée d’intelligence, ayant le sentiment de la justice, répartissant à tous les êtres, en proportions égales et selon leur importance, le temps, la substance, la cause, la faculté d’agir[2] et les relations avec tout ce qui les entoure. D’ailleurs, quand je parle d’égalité, il est entendu qu’il ne s’agit pas de l’égalité d’un détail isolé avec le tout[3], mais bien de l’égalité d’un tout pris

  1. À ce qui dépend de nous seuls. C’est la première réflexion du Manuel d’Épictète.
  2. La faculté d’agir. Peut-être faut-il comprendre ceci en un sens plus général : « La réalité, l’existence actuelle. » Le mot du texte peut avoir ces deux significations.
  3. L’égalité d’un détail isolé avec le tout. Le texte grec n’est pas plus précis ; et il serait difficile de l’interpréter d’une manière absolument claire. Je crois que la pensée au fond est simple-