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LIVRE VIII, § I.

qui te reste de vie, de la passer comme le veut ta nature[1]. Ainsi tâche de connaître ses volontés, et n’aie pas d’autre préoccupation. En effet, l’expérience t’a montré que d’erreurs tu as commises, sans jamais trouver le bonheur[2] ; tu ne l’as rencontré ni dans l’étude, ni dans la richesse, ni dans la gloire, ni dans le plaisir, nulle part en un mot. Où donc l’obtiendras-tu ? Uniquement en faisant ce qu’exige la nature de l’homme. Et comment l’homme accomplit-il le vœu de sa nature ? En ayant d’immuables principes, d’où ses actes découlent[3]. Et à quoi s’appliquent ces principes ? Au bien et au mal[4] ; le bien ne pouvant jamais être pour l’homme que ce qui le rend juste, prudent, courageux et libre ; le mal n’étant non plus que ce qui produit les dispositions contraires à celles que je viens d’énumérer.

    jeunesse franchit si aveuglément.

  1. Ta nature. Qui est celle d’un être raisonnable, fait pour vivre dans la société des hommes et de Dieu.
  2. Sans jamais trouver le bonheur. L’expression grecque pourrait tout aussi bien signifier Vertu. J’ai préféré l’idée de Bonheur, à cause de ce qui suit, bien que la recherche du bonheur n’ait jamais été une des préoccupations du Stoïcisme.
  3. D’immuables principes d’où ses actes découlent. C’est ce que fait la religion à l’aide de la foi ; c’est aussi ce que fait la philosophie.
  4. Au bien et au mal. Discerner le bien du mal pour suivre l’un et éviter l’autre, c’est là toute la vie morale de l’homme ; et c’est le mot de l’énigme qu’il est à lui-même, tant qu’il ne se connaît pas et ne s’est pas rendu maître de ses passions.