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PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

LVIII

En toute rencontre, nous devons nous remettre sous les yeux le souvenir des gens qui ont subi les mêmes épreuves que nous[1], qui s’en sont irrités, s’en sont révoltés et en ont gémi. Où sont-ils à cette heure ? Ils ne sont plus. Vas-tu donc faire comme eux ? Ne vaut-il pas mieux laisser ces agitations contre nature à ceux qui les provoquent et en sont eux-mêmes les victimes, pour ne t’appliquer tout entier qu’à profiter de telles leçons ? Tu en tirerais tout avantage ; et c’est là une matière qui te revient exclusivement. N’aie jamais qu’un objet et qu’un désir : celui de te bien conduire dans tout ce que tu fais. Rappelle-toi ces deux choses[2], et, en outre, que ce qui t’importe, c’est l’objet de ton action.

  1. Les mêmes épreuves que nous. C’est en effet une cause assez efficace de consolation de voir qu’on n’est pas le seul à souffrir, et on se fortifie par l’exemple d’autrui. Les plaintes ont été inutiles. Pourquoi les renouveler ? Elles ne mènent à rien et elles affaiblissent encore. Il vaut mieux se raidir, comme le Stoïcisme le recommande.
  2. Ces deux choses. Le texte n’est pas plus clair ; mais, sans croire qu’il soit altéré, les deux choses dont il est ici question peuvent être, et l’exemple des autres dont les plaintes ont été parfaitement vaines, et la résignation que ces exemples doivent nous enseigner.