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PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

pires. Par ce moyen, on peut se faire une idée assez exacte de l’avenir ; car tous les événements futurs seront analogues à ceux du passé, et les choses ne peuvent pas sortir de l’ordre qu’elles suivent sous nos yeux. Ainsi, il est parfaitement égal de faire l’histoire humaine, ou pendant quarante ans, ou pendant quelques milliers d’années. Que pourrait-on voir de plus ?

L

« Ce que la terre enfante[1] en son sein rentrera ;
Ce que l’air a produit dans l’air retournera,
Absorbé par le ciel, et par sa sphère immense. »

Ou bien, c’est une simple dissolution[2] d’organisations antérieures en atomes ; et cette dispersion, quelle qu’elle soit, ne porte que sur des éléments qui ne sentent rien[3].

    ordinaire, on voit bien des choses ; et, par exemple, que n’a pas vu notre pays depuis quatre-vingts ans ? Que n’avait pas vu le peuple romain depuis Néron jusqu’à Marc-Aurèle ? Ainsi, les nouveautés ne manquent pas au spectateur qui veut les observer. Mais il est vrai, comme le dit le sage empereur, qu’il y a toujours un certain fonds qui est uniforme ; et, dans l’histoire, le fonds qui reste essentiellement le même, c’est la nature humaine, avec ses besoins et ses passions, ses misères et ses grandeurs. Croire trop à l’uniformité, c’est de l’indifférence et de la misanthropie.

  1. Ce que la terre enfante. Ces deux vers sont d’Euripide, dans sa tragédie de Chrysippe. Voir les Fragments, VI (833),