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LIVRE VII, § XXIII.

fautes ; que, dans bien peu de temps, vous serez morts les uns et les autres ; et, par-dessus tout, tu seras indulgent, si tu te dis que l’offenseur ne t’a fait aucun tort[1] ; car il n’a pu pervertir en toi le principe supérieur qui te dirige.

XXIII

L’universelle nature[2] façonne la substance universelle comme une cire. Ainsi, elle en fait tantôt un cheval ; et, le dissolvant, elle se sert de sa matière pour créer un arbre ; puis, elle se sert de l’arbre, pour en faire tel autre être. Mais chacun de ces êtres ne subsiste qu’un instant ; et il n’est

    tiquité ; et ce progrès, déjà très-visible dans les doctrines platoniciennes, a été accru et accéléré par celles du Portique. Le pardon des offenses est un fruit de la réflexion ; et les motifs qu’en donne Marc-Aurèle sont d’une force irrésistible pour la raison ; mais ils choquent tout d’abord l’instinct de notre nature, si prompte à sentir les moindres blessures, si prompte à se défendre et à se venger.

  1. L’offenseur ne t’a fait aucun tort. Cet argument est surtout à l’usage du Stoïcisme. Voir plus loin, § 26. Voir aussi dans Sénèque le Traité de la Clémence et celui des Bienfaits.
  2. L’universelle nature. La cosmologie indiquée dans ce paragraphe est celle de l’école Stoïcienne, qui a toujours soutenu l’unité de matière sous la variété infinie des transformations. C’est l’antique doctrine des atomes d’Épicure et de Démocrite. Ces théories sont de pures hypothèses, que la science ne peut plus admettre aujourd’hui, et que l’existence des corps simples, irréductibles les uns aux autres, suffit à démentir.