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PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

par exemple, la passion de la crainte, qu’il s’infligerait de son plein gré[1]. Que si quelque autre peut lui causer frayeur ou chagrin, qu’il le fasse ; car ce n’est pas ce principe supérieur qui se précipitera spontanément dans ces désordres. C’est au corps de s’arranger[2] lui-même pour ne point souffrir, comme c’est à lui de dire ce qu’il souffre. Quant à l’âme[3], qui éprouve la frayeur ou la tristesse, et qui, d’une manière générale, conçoit la pensée de toutes ces sensations, qu’elle n’en souffre en quoi que ce soit ; car tu ne lui permettras pas d’en porter ces jugements erronés. Le principe directeur peut être indépendant, dans tout ce qui le regarde, à moins qu’il ne se mette lui-même dans la dépendance de quelque besoin.

    sage, un peu corrompu ; mais la pensée n’en reste pas moins claire.

  1. Qu’il s’infligerait de son plein gré. Le texte est moins développé.
  2. C’est au corps de s’arranger. Voir un peu plus haut, § 15, la même doctrine.
  3. Quant à l’âme. Voir plus haut, liv. V, § 20. Cette séparation de l’âme et du corps, durant la vie, est déjà une doctrine platonicienne ; mais l’école stoïque a précisé les choses davantage et les a poussées aussi loin que possible. C’est bien là la solution définitive de l’énigme que l’homme se présente à lui-même. Par là, il rétablit en lui l’unité et la paix ; mais il faut qu’il y mette une grande énergie, ou que Dieu l’ait heureusement doué par la nature qu’il lui a primitivement accordée. Dans le paragraphe qui suit, Marc-Aurèle indique bien la difficulté. C’est une habitude si ancienne en nous d’obéir à nos sens, que nous avons une peine extrême à n’obéir qu’à la raison.