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LIVRE VI, § XXX.

te rendre[1]. Adore les Dieux ; protège les hommes. La vie est courte ; et l’unique fruit de la vie que nous menons sur terre, c’est une disposition sainte de notre cœur[2] ; ce sont des actes utiles à la communauté[3].

Tout cela, c’est l’enseignement qui convient à l’élève d’Antonin[4]. Souviens-toi de tout ce qu’il était ; rappelle-toi sa fermeté dans l’exécution des actes qu’inspirait la raison, son égalité d’humeur dans toutes les conjonctures, sa sainteté, la sérénité de son visage, sa douceur, son dédain de la vaine opinion ; son amour-propre à bien saisir le sens des choses, son habitude de ne jamais en

  1. Tel que la philosophie a voulu te rendre. On a vu par le premier livre quels maîtres la philosophie avait donnés à Marc-Aurèle, et la reconnaissance profonde qu’il gardait de leurs leçons.
  2. C’est une disposition sainte de notre cœur. On ne saurait assigner à la vie un but plus élevé, ni plus vrai.
  3. À la communauté. On a déjà indiqué plus haut, liv. II, § 13, et liv. VI, § 7, dans quel sens il fallait entendre ce mot de Communauté, et pourquoi il faut le préférer à celui de Société, qui serait un peu trop étroit.
  4. L’élève d’Antonin. On se rappelle que Marc-Aurèle avait été adopté par Antonin le Pieux. Le fils adoptif a déjà tracé le portrait de son père vénéré, plus haut, liv. I, § 16 ; et il l’a présenté sous les couleurs les plus favorables, et à la fois les plus vraies. Mais cet unique témoignage d’admiration et de gratitude ne lui a pas suffi ; et le second éloge complète heureusement le premier. On peut remarquer aussi qu’il a grande importance pour l’histoire en ce qu’il fait pénétrer intimement dans l’étude de l’administration de l’Empire. On voit pleinement à quels devoirs s’astreignaient les Empereurs qui prenaient leurs fonctions au sérieux ; et l’exemple d’Antonin pourrait guider encore aujourd’hui tous les souverains et tous les hommes d’État.