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PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

providence[1]. Dans le premier cas, comment puis-je désirer de rester dans cette confusion pitoyable, dans cet affreux cloaque ? À quoi puis-je songer si ce n’est à savoir comment un jour je deviendrai cendre et poussière ? Pourquoi donc irais-je me troubler ? Car j’aurai beau faire ; la dispersion finira bien par m’atteindre moi-même. Dans le second cas, j’adore[2] ; et je m’assure, en mettant ma ferme confiance[3] dans l’être qui ordonne tout.

XI

Quand, par suite de circonstances inévitables, tu te sens profondément troublé, reviens à toi le plus vite que tu peux[4], et ne reste hors de mesure que le temps absolument nécessaire ; tu seras

  1. Unité, ordre, providence. C’est ce que nous atteste la raison aidée de la science ; c’est aussi ce que nous attestent notre instinct et l’observation la plus superficielle.
  2. J’adore. Sentiment d’une parfaite piété, qui se retrouve dans toutes les pensées de Marc-Aurèle, qu’il a exprimé plus vivement peut-être qu’aucun stoïcien, mais qui appartenait aussi à toute l’école.
  3. Ma ferme confiance. C’est la foi de Socrate, que Platon a exprimée dans le Criton et dans le Phédon. Il faut aussi, sur tous ces grands sujets, lire Sénèque et le méditer.
  4. Reviens à toi le plus vite que tu peux. Excellent conseil, qui devient facile à pratiquer quand on s’habitue à cet examen de soi-même et à cette surveillance constante. Pour retrouver et reconnaître l’équilibre, il faut d’abord l’avoir connu et senti. On le rétablit plus vite dès qu’une fois on sait bien ce qu’il est.