Page:Pensées de Marc-Aurèle, trad. Barthélemy-Saint-Hilaire.djvu/181

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
159
LIVRE V, § XXXIII.

tant d’après. La bonne foi et la pudeur[1], la justice et la vérité,

« Remontant vers l’Olympe[2] ont déserté la terre. »

Quel motif peut donc encore te retenir ici-bas ? Ne vois-tu pas que les objets que nos sens perçoivent sont dans un changement continuel, qui ne s’arrête jamais ; que nos sens n’ont que des perceptions obscures, sujettes à mille erreurs ; que le souffle qui nous anime n’est qu’une vapeur de notre sang ; et que la gloire, qu’on recherche auprès d’êtres si fragiles, n’est qu’une fumée vaine ? Qu’est-ce donc que tout cela ? Tu te résignes à attendre l’heure où tu devras t’éteindre ou te transformer. Mais jusqu’à ce moment, qu’on doit subir, que te faut-il ? Une seule chose et rien de plus : honorer et bénir les Dieux[3], faire du bien aux hommes, et les supporter, ou t’en éloigner. Et quant à tout ce qui est en dehors des bornes de ta pauvre personne et de ton

  1. La bonne foi, la pudeur. Il y a dans cette pensée une misanthropie qui n’est pas habituelle à Marc-Aurèle.
  2. Remontant vers l’Olympe. Ce vers est d’Hésiode, les Œuvres et les Jours, vers 197 de l’édition de Firmin Didot ; 195 des éditions ordinaires.
  3. Honorer et bénir les Dieux. La sagesse de l’homme ne peut aller plus loin ; et, depuis Marc-Aurèle, personne n’a parlé mieux que lui ; pour sa part, il a su agir comme il parlait.