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PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

son âme satisfaite des destinées qui lui sont réparties, exécutant tout ce que veut le génie que Jupiter[1] a donné à chaque homme pour protecteur et pour guide, parcelle détachée de lui-même[2]. Et ce génie, c’est l’entendement et la raison accordée à chacun de nous.

    d’autres formes ; mais il n’a pas d’autre but ni d’autres préceptes. C’est d’ailleurs l’axiome platonicien qui prescrit pour objet suprême aux efforts de l’homme de se rendre semblable à Dieu, autant que le permet l’infirmité de sa nature.

  1. Jupiter. En d’autres termes Dieu. Mare-Aurèle reste fidèle aux habitudes du langage reçu ; mais le Jupiter dont il parle n’est plus le Jupiter païen.
  2. Parcelle détachée de lui-même. Cette expression doit être entendue dans un sens très-large ; et il n’est pas probable que Marc-Aurèle l’entende ici comme le fait la doctrine de l’émanation. Sénèque a dit : « Soit que la destinée nous lie par une nécessité immuable, soit que Dieu comme arbitre de l’univers ordonne de toutes choses, soit que le hasard roule et conduise aveuglément les affaires humaines, il est certain que la philosophie nous assistera toujours. Elle nous exhortera de nous soumettre volontairement à Dieu, de résister constamment à la fortune, de suivre les ordres de la Providence et de supporter les coups du hasard. » Épître LVI, à Lucilius. — Bossuet a dit : « Il faut être libre de toute inquiétude, de toute passion forte ; en un mot, il faut un silence et une récollection parfaite pour entendre intérieurement la voix de Dieu… Prenez donc garde de ne pas vous étourdir vous-même, et n’empêchez pas l’Esprit saint, qui est en vous, de parler à vos cœurs. » Deuxième Exhortation à la communauté de Sainte-Ursule de Meaux. C’est là aussi toute la doctrine de l’Imitation, qui n’est, au fond, qu’une Récollection perpétuelle de l’âme, dans le silence du cloître et de la cellule. Le vrai problème est d’accommoder cette vie intérieure avec les devoirs du dehors.