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LIVRE V, § XXIII.

XXII

Quand une chose n’est pas nuisible à la cité, elle ne peut pas non plus nuire au citoyen[1]. En toute circonstance, pour juger si tu as éprouvé quelque dommage, applique-toi cette règle : « Si l’État n’éprouve aucun tort, moi non plus, je n’en éprouve aucun. » Si au contraire l’État est lésé, il n’y a point à s’emporter inutilement contre le coupable ; mais il faut se demander : « En quoi a-t-il manqué au devoir ? »

XXIII

Considère souvent en ton cœur[2] la rapidité du mouvement qui emporte et fait disparaître tous

  1. Elle ne peut pas non plus nuire au citoyen. À un certain point de vue superficiel, la pensée peut paraître n’être pas juste, puisque dans quelques cas exceptionnels le citoyen doit se sacrifier à la patrie. Mais, dans l’austérité de la doctrine stoïcienne, ce sacrifice même est un profit, loin d’être une perte pour le citoyen. Ainsi considéré, le principe est vrai ; mais il faut l’âme d’un Curtius ou celle d’un Caton pour l’appliquer, et même pour le comprendre en l’approuvant. Du reste, il est probable qu’il manque une conclusion à ce paragraphe et qu’il faudrait une réponse à l’interrogation. On doit apprendre à celui qui a fait une faute en quoi il a péché, afin qu’il se corrige, s’il en est encore capable.
  2. Considère souvent en ton cœur. Admirable maxime, exprimée avec une simplicité qui en augmente encore la pro-