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PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

et bientôt enseveli lui-même par tel autre, qui succombe à son tour ; et tout cela en quelques instants ! Pour le dire en un mot, il faut toujours considérer les choses humaines comme éphémères et de bien peu de prix[1]. On doit donc passer ce moment imperceptible de la durée conformément à la nature et quitter la vie avec sérénité, comme une olive mûre[2], qui tombe en remerciant la terre qui l’a produite et en rendant grâces à l’arbre qui l’a portée.

XLIX

Se rendre ferme comme le roc[3] que les vagues ne cessent de battre. Il demeure immobile, et

    mort est une des choses auxquelles on pense le moins.

  1. Éphémères et de bien peu de prix. La sagesse de tous les temps a parlé de même ; et elle ne cessera de présenter à la pensée de l’homme ces considérations, dont il tiendra toujours aussi peu de compte.
  2. Comme une olive mûre. Image gracieuse et juste. C’est ainsi que Marc-Aurèle lui-même a accueilli la mort, quand elle est venue le surprendre à un âge peu avancé, et au milieu des plus graves devoirs, qu’il accomplissait énergiquement dans des contrées barbares, pour défendre l’Empire qui lui était confié. Sénèque a dit : « Craindrai-je donc de périr quand la terre elle-même périt avant moi, quand le globe, qui fait trembler toutes choses, tremble le premier et ne me porte atteinte qu’à ses propres dépens ? Hélice et Buris ont été totalement englouties par la mer ; et je craindrais pour ma chétive et unique personne ! » Questions naturelles, liv. VI, ch. XXXII.
  3. Comme le roc. Voir une comparaison toute pareille dans