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LIVRE IV, § XLIV.

XLIII

Le temps est comme un fleuve[1] qui entraîne toutes choses ; c’est comme un torrent irrésistible. À peine a-t-on pu y apercevoir une chose qu’elle disparaît entraînée dans le tourbillon ; le flot en apporte une nouvelle, qui à son tour sera bientôt emportée.

XLIV

Tout ce qui nous arrive est aussi ordinaire et aussi prévu que la rose au printemps, ou la moisson en été[2]. Telles sont aussi pour nous la maladie, la mort, la calomnie[3] qui nous déchire, l’inimitié qui nous tend des pièges, et tant d’autres événements, qui sont pour les ignorants des sujets de joie ou d’affliction.

  1. Le temps est comme un fleuve. Ces images, qui peuvent nous sembler aujourd’hui un peu usées parce qu’elles sont trop connues, étaient neuves au temps de Marc-Aurèle.
  2. La rose au printemps, la moisson en été. Images gracieuses, pour une idée qui au fond est assez triste.
  3. La maladie, la mort, la calomnie. Cette pensée n’est peut-être pas très-juste ; et le sage ne peut mettre sur la même ligne ce qui dépend de la nature et ce qui dépend de la volonté libre de l’homme. On peut dédaigner la calomnie, et c’est ce que le philosophe a de mieux à faire ; mais elle est faite pour indigner sa conscience, tandis que la mort réglée par les décrets mêmes