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LIVRE IV, § XXXIII.

temps après eux[1], Scipion, et Caton, puis ensuite Auguste, et ensuite encore Adrien et Antonin, tous ces noms s’effacent pour passer bientôt à l’état de légendes. Le plus parfait oubli les a bien vite submergés. Encore, je ne parle ici que de ceux qui ont jeté, on peut dire, un éclat prodigieux[2]. Car, pour les autres, à peine ont-ils rendu le dernier soupir : « On ne les connaît plus[3], on ne s’en inquiète plus. » Qu’est-ce donc après tout même que cette éternelle mémoire ? Une pure vanité. Alors à quoi donc devons-nous appliquer nos soins ? À une seule chose, et la voici : Pensée dévouée à la justice ; activité consacrée au bien commun ; disposition à aimer tout ce qui nous arrive, comme chose nécessaire, comme chose familière, qui découle du principe et de la source d’où nous venons nous-mêmes.

    être le compagnon d’Alexandre, dont le courage extraordinaire a été célébré par Arrien, liv. VI, ch. IX et X. Léonnatus n’a pas d’ailleurs laissé un nom durable dans l’histoire.

  1. Peu de temps après eux. Scipion l’Africain, qui est sans doute désigné ici, est d’un siècle environ postérieur à Alexandre.
  2. Un éclat prodigieux. C’est vrai de quelques-uns des noms qu’on vient de citer ; ce ne l’est pas autant pour quelques autres.
  3. On ne les connaît plus. Marc-Aurèle se sert ici des expressions qu’emploie Homère dans l’Odyssée, chant I, vers 242. Voilà pourquoi elles sont mises ici entre des guillemets.