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LIVRE IV, § XXX.

quand on ferme l’œil de l’entendement ; un mendiant, quand on a besoin d’autrui et qu’on ne sait pas se procurer par soi-même[1] tout ce qu’il faut pour vivre ; une superfétation du monde, quand on s’y dérobe et qu’on s’isole de l’existence de la commune nature[2], en se révoltant contre ce qui arrive[3] ; car c’est elle qui produit les événements, comme c’est elle qui t’a produit toi-même ; enfin, on n’est plus qu’un fragment détaché de la cité, quand on détache[4] son âme de celle des êtres raisonnables, dont on brise ainsi l’unité.

XXX

Celui-ci, quoique sans tunique[5], n’en est pas moins philosophe ; celui-là sait l’être même sans livres[6] ; tel autre sait l’être aussi quoique à moitié

    partie, et dont il doit s’occuper plus encore que de la société civile où il est placé.

  1. Se procurer par soi-même. Ceci est bien remarquable dans la bouche d’un empereur.
  2. La commune nature. Que le stoïcisme confond trop souvent avec Dieu.
  3. En se révoltant contre ce qui arrive. Conseil de résignation volontaire et intelligente.
  4. Un fragment détaché… Quand on détache. La répétition est dans le texte, et la traduction a dû la conserver.
  5. Sans tunique. La tunique était un vêtement de dessous ; et il n’y avait que les gens les plus pauvres qui ne la portassent pas. Plus haut, liv. I, § 6, Marc-Aurèle a parlé de tous les ustensiles dont se compose la discipline des philosophes grecs. Le vêtement était réglé tout aussi bien que l’ameublement.
  6. Sans livres. Marc-Aurèle proscrit l’usage excessif des livres quand on