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LIVRE IV, § XX.

pose même, si tu le veux, que ceux qui garderont ton souvenir soient immortels et que le souvenir soit immortel ainsi qu’eux ; qu’est-ce que tout cela peut te faire, je ne dis pas après la mort, mais je dis de ton vivant ? Qu’est-ce que la louange des hommes, à moins toutefois qu’on ne veuille en faire un calcul et un profit ? Car voilà que tu négliges bien à contre-temps les dons de la nature, tandis que le reste suit une tout autre raison[1].

XX

Tout ce qui est beau[2], en quelque genre que ce puisse être, est beau de soi seul, et n’aboutit qu’à soi-même, sans que la louange qu’on peut en faire en constitue une partie essentielle. Ainsi donc, un objet quelconque, parce qu’on le loue, n’en est ni pire ni meilleur. Et ce que je dis

    tienne.

  1. À moins toutefois qu’on ne veuille… Le reste suit une tout autre raison. Le texte doit être altéré ici ; mais il n’y a pas de variante qui permette de le corriger ; je l’ai interprété du mieux que j’ai pu.
  2. Tout ce qui est beau. Après avoir démontré l’inanité de la gloire relativement aux personnes, Marc-Aurèle essaie de la démontrer à plus forte raison à l’égard des choses. Mais la manière dont il présente cette idée a peut-être le tort d’être par trop évidente. Les choses ne changent pas parce qu’on les loue ; et leur nature, sous ce rapport, est absolument immuable.