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PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

tout à l’heure elles ne seront plus. Enfin, rappelle-toi sans cesse tous les changements que tu as pu toi-même observer. Le monde n’est qu’une transformation perpétuelle ; la vie n’est qu’une idée et une opinion.

IV

Si l’intelligence est notre bien commun à tous, la raison, qui fait de nous des êtres raisonnables, nous est commune aussi. Cela étant, cette raison pratique qui est notre guide pour ce qu’il nous faut faire ou ne pas faire, nous est commune également. Cela étant encore, la loi nous est commune. La loi nous étant commune, nous sommes concitoyens[1] ; étant concitoyens, nous

    jours ennemie du présent. Maintenant, allons en Campanie. Bientôt on se dégoûte des belles campagnes ; il faut voir des pays incultes ; parcourons les forêts du Bruttium et de la Lucanie. » De la tranquillité de l’âme, ch. II. Lucrèce, cité par Sénèque, avait dit avant lui : « C’est ainsi que chacun se fuit toujours soi-même. » Job, traduit par Bossuet, avait dit : « Ô vous qui naviguez sur les mers, vous qui trafiquez dans les contrées lointaines et qui nous en rapportez des marchandises si précieuses, dites-nous, n’avez-vous point reconnu dans vos longs et pénibles voyages, n’avez-vous point reconnu où réside l’intelligence, et dans quelles bienheureuses provinces la sagesse s’est retirée ? » Sermon sur la Loi de Dieu, premier point.

  1. Nous sommes concitoyens. Ce mot est pris ici dans toute sa force, Membres d’une même Cité, la cité du monde, comme