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PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

vements du souffle vital qui t’anime, que d’ailleurs ce mouvement soit puissant ou débile. Ou bien encore, rappelle-toi toutes ces maximes qu’on t’a apprises et que tu as acceptées sur la douleur et le plaisir. Serait-ce par hasard la vaine opinion des hommes[1] qui t’agite et te déchire ? Alors regarde un peu l’oubli rapide de toutes choses, l’abîme du temps pris dans les deux sens[2], l’inanité de ce bruit et de cet écho, la mobilité et l’incompétence des juges, qui semblent t’applaudir, et l’exiguïté du lieu où la renommée se renferme. La terre entière n’est qu’un point, et la partie que nous habitons n’en est que le coin le plus étroit. Là même, ceux qui entonneront tes louanges[3], combien sont-ils et quels sont-ils encore ?

Il reste donc uniquement à te souvenir que tu

    la même pensée plus développée qu’elle ne l’est ici.

  1. La vaine opinion des hommes. Pascal n’est pas plus dédaigneux de l’opinion commune. La pensée n’est pas fausse ; mais il faut la bien comprendre ; et si l’homme doit supporter ses semblables et ses frères afin d’être réciproquement supporté par eux, il ne doit pas trop mépriser ce qu’ils pensent ; car, à ce prix, la vie serait bien difficile, pour ne pas dire impossible, avec eux.
  2. L’abîme du temps pris dans les deux sens. Ces deux infinis de la durée, le passé et l’avenir, que sépare sans cesse un instant, qui est lui-même insaisissable. Voir plus haut des réflexions analogues, liv. II, §§ 13, 14 et 17.
  3. Ceux qui entonneront tes louanges. La colonne Antonine, qu’on voit encore à Rome, a été élevée à