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main-d’œuvre à bon marché, qui faisait une lourde concurrence aux salaires élevés des ouvriers américains hautement qualifiés. C’est surtout cette concurrence qui entretenait la haine de races sur toute la côte du Pacifique.

À cela venaient s’ajouter les compétitions impérialistes dont la guerre russo-japonaise avait ouvert la période. Il n’existait aucun doute que l’Océan Pacifique devenait le centre de la future lice internationale.

Jack London, dont l’œil était très éveillé, suivait attentivement ces transformations. Il notait aussi la croissance des contrastes sociaux à l’intérieur des États-Unis précipitée par la création des trusts, par la politique agressive du nouveau capital financier contre les classes travailleuses. C’est vers cette époque qu’il décida d’entrer dans le parti socialiste.


IV


La maisonnette habitée par Jack London à Berkeley, était des plus modestes. Mais dans quel milieu enchanteur ! Partout autour d’elle des jardins à la flore parfumée, aux bois semés d’eucalyptus, de cèdres, de cyprès. Tout cela dans un soleil éternellement printanier, sous un ciel de couleur turquoise.

Jack, il faut lui rendre cette justice, était resté simple, bon et modeste, malgré qu’il fût devenu subitement célèbre et… riche. Malgré la décision de ses amis il continuait à rouler chaque soir, à la manière des cow-boys, une cinquantaine de cigarettes avec du tabac ordinaire de Virginie. C’était sa provision quotidienne de nicotine comme il l’appelait. Cet excitant lui était aussi nécessaire que l’air et le soleil pour travailler.

Comme il lui était physiquement impossible de rester longtemps enfermé, il travaillait au grand air. Le matin, de bonne heure, il partait à cheval. Il emportait avec lui une machine à écrire portative, un siège pliant, un tapis et son repas. Quand il avait fini par trouver un endroit qui lui convenait : quelque prairie au gazon ensoleillé, ou quelque rocher dominant un caňon aux pierres multicolores, il étendait son tapis à l’ombre d’un eucalyptus, d’un cèdre rouge