Page:Pelletier - Oeuvres diverses.pdf/84

Cette page n’a pas encore été corrigée

De réels progrès ont été faits en ce sens, mais avec beaucoup de timidité. L’idée communément admise dans les milieux cultivés est qu’une jeune fille doit être à la fois instruite et ménagère. En même temps que la chimie, on lui enseigne la dentelle au crochet, la cuisine, la couture ; on développe sa coquetterie et on lui fait entendre que cette partie spécialement féminine de son éducation a beaucoup plus d’impor¬ tance que l’autre. Une pareille culture peut former des épouses instruites capables d’aider un travailleur intellectuel, de. servir, et encore de répétitrices à leurs enfants, voire de remplir une modeste carrière libé¬ rale ; mais loin de la donner, elle entrave la person¬ nalité, élément essentiel du génie. Pour être person¬ nelle, une femme doit tout briser et cela lui est beau¬ coup plus difficile qu’à un homme.

Même au sein de la misère un homme de génie trouve des encouragements, quelques isolés qui le comprennent plus ou moins et l’admirent, cela l’aide à travailler en dépit du monde réfractaire. Fourrer dans son grenier, avait Considérant, Verlaine, qui traîna toute sa vie une misère extrême avait une cour d’admirateurs. Même les faux génies ont leur petit cénacle, gens plus ou moins instruits qui se font les satellites de l’étoile de petite grandeur. Le lot de la femme supérieure, c’est le désert absolu ; elle ne connaît de l’originalité que son fruit amer, la haine des autres, elle paie de la solitude sa révolte contre l’ordre social.

Comment le génie pourrait-il se développer dans de pareilles conditions ; autant vouloir qu’une plante grandisse et fasse resplendir ses fleurs alors qu’on en a écrasé le germe. Les femmes qui ont eu la chance d’être placées dans un milieu relativement