Page:Pelletier - Oeuvres diverses.pdf/78

Cette page n’a pas encore été corrigée

dante s’emploie à refaire ou à modifier tout l’acquis de l’esprit humain. C’est ainsi qu’ils redécouvriront l’Amérique, ou bien mettront au jour une philosophie absurde ou puérile. Ces genres d’esprit sont loin d’être communs ; ce qui est commun, c’est la culture intellectuelle avec le talent pour couronnement. Les faux génies sont rares comme les génies véritables dont ils ont les apparences. Comme le génie vrai, Je faux génie est hors la société à laquelle il ne s’adapte pas. Pris tout entier par l’idée, sa vie inté’ rieure est assez intense pour lui faire mépriser la vie extérieure. Il ne saurait être bon fonctionnaire, bon ouvrier, il est trop distrait, trop accaparé par la chimère dominatrice. 11 est rare que le faux génie réussise à fonder une famille, à moins qu’il ne trouve une femme qui consente à passer sa vie à ses pieds, ce qui arrive quelquefois. J’ai connu un certain nombre de pareils hommes. L’un d’eux redécouvrait l’astronomie élémentaire ; il avait épousé une pauvre ouvrière dont il était le dieu ; elle le prenait pour un grand savant méconnu. Souvent, malgré leur activité intellectuelle prodigieuse, ces gens n’ont qu’une in¬ telligence très médiocre ; en deux phrases, on peut jeter à bas la théorie qu’ils ont travaillé des années à édifier. Ce n’est pas à conseiller, car on s’en fait alors des ennemis mortels, sans arriver à les détour¬ ner de la mauvaise voie où ils se sont engagés.

Car les faux génies ont tout l’orgueil des génies véritables. C’est un peu leur orgueil excessif qui les empêche de s’instruire avant que de créer ; ils se croient les premiers, les révélateurs de la pensée ; ils s’imaginent que rien de sensé n’a pu être dit a% r ant eux. Cet orgueil immense les soutient dans la vie très triste que leur fait le monde ; on les prend en gé-