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ou de se coucher par terre pour travailler n’est pas sérieux. Ces blâmes montrent jusqu’où va notre esclavage social. Souvent ces habitudes sont de menues superstitions, compliquées de suggestions ; l’homme pense que les circonstances qui ont entouré la production d’une bonne œuvre sont liées à l’œuvre et qu’il ne pourra donner son maximum d’effort qu’à la condition que les circonstances soient les mêmes.

Ceci étant dit, il est fort possible que, la quantité d’énergie d’un cerveau humain étant limitée, le développement supérieur d’une faculté ne nuise aux autres. La conscience peut difficilement être accaparée par un grand nombre d’activités. Si un homme de génie donne trop de place à la sexualité, ce sera au détriment de son travail ; s’il éparpille son temps entre plusieurs sciences, il lui sera difficile d’en approfondir suffisamment une pour la faire avancer. La chasteté d’un certain nombre d’hommes supérieurs tient simplement au manque de temps. Il est des hommes de génie qui ont été au contraire des sensuels, c’est que leur œuvre même avait la sexualité pour objet. Un grand chimiste ne pourra être sensuel qu’aux dépens de ses travaux, mais la sensualité servait au contraire le génie d’un Goëthe qui mettait ses passions en œuvres littéraires.

Le génie doit être défini, la supériorité intellectuelle originale. Pas de génie sans originalité. On peut être très savant en mathématiques, en physique, en chimie et n’être qu’un homme ordinaire. Nombre d’intellectuels sont ainsi ; c’est pour cela que, sortis de leur spécialité, ils ne raisonnent guère mieux que les hommes du commun dont ils ont accepté sans contrôle les préjugés.

C’est ainsi qu’on peut voir des savants illustres