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qui verserait des flots d’encre pour dire des tas de bêtises, les sentimentaux tacheraient leurs diatribes ; je passerai pour un monstre, ni plus ni moins, à moins que ce ne soit pour un fou. On serait capable de m’enfermer, qui sait, dans une maison d’aliénés. Je connais certain neurologiste à qui cela ne ferait pas trop de peine de rédiger pour moi le certificat nécessaire :

J’ai donc résolu d’agir en secret. Nous ferons cela cette nuit, à nous trois ; l’endroit est désert ; nous avons quatre-vingt-dix-neuf chances sur cent de ne pas être pris, on coupera le cadavre en morceaux et on le détruira par l’acide sulfurique.

Delage. — C’est irréalisable, maître… Je comprends… vous êtes pris tout entier par votre idée, une grande idée, j’en suis certain, et qui doit être exacte, venant, de votre esprit si clairvoyant. Accaparé par le but à atteindre. Vous planez au-dessus des moyens sans vouloir y réfléchir. Il faudrait tuer un homme, songez-y donc, commetre un crime. Non pas livrer une bataille comme Napoléon que vous invoquiez, tout à l’heure, du haut d’une colline, à coups de combinaisons tactiques ; mais commetre un meurtre au coin d’une route, froidement, délibérément, sur un inconnu, peut-être un très brave homme ; une père de famille que ses enfants et sa femme attendent à la maison. C’est un crime d’apache et je suis, et nous sommets tous trois des honnêtes gens. Le voudrions-nous que nous ne le pourrions pas, vous tout le premier.

Wagner. — Et si nous sommes découverts, songez-y donc, patron : c’est un scandale épouvantable. La cour d’assises, la prison, la guillotine… Avoir travaillé pendant tant d’années pour en arriver là. Ah ! non, pa-