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voisinage, tu sais bien qu’on s’est plaint à cause des chiens ; il a été en but à une campagne de presse ; on a voulu lui faire un procès… Alors il a imaginé d’acheter du terrain et de faire bâtir cette maison isolée en bordure du talus du chemin de fer ; les sifflets des trains étouffent les cris des animaux et bien peu de gens savent qu’il y a ici un laboratoire de physiologie où le grand Bernard a déjà découvert plusieurs localisations cérébrales.

Wagner. — Je comprends…, mais c’est vraiment enrageant d’être obligé de perdre son temps à venir ici pour éviter les criailleries des antivivisectionnistes. Des vieilles filles presque toujours. N’ayant pu trouver de mari, elles reportent sur les chiens et les chats leurs tendresses sans emploi. Il faudrait le dire une fois pour toutes ; le public n’a pas à se mêler de nos affaires et si la fourrière nous fournit des animaux, c’est pour que nous en fassions ce que bon nous semble.

Delage. — L’opinion du public n’est pas dénuée de sens. Il est regrettable d’avoir à faire souffrir des bêtes pour faire des recherches. Tu vas peut-être te moquer de moi ; mais ce n’est pas sans répugnance que je pratique la vivisection. Ce petit chien gris, l’autre jour qui venait me lécher les mains et que j’ai attaché sur cette table pour lui ouvrir le ventre me poursuit encore ; je vois ses yeux presque humains qui semblaient me supplier. Le Maître a bien raison quand il compare la science à un salon resplendissant auquel on n’arrive qu’après avoir traversé une affreuse cuisine. Je fais taire mon cœur, je dompte mes nerfs : mais je n’ouvre les bêtes qu’en cas de nécessité absolue. Toutes les fois que cela est possible je leur donne du chlorofor-