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le moins du monde et je n’ai jamais vu d’esprit mieux équilibré. Bien des savants doivent avant tout leurs connaissances à un long et patient travail ; mais lui ! Son cerveau est comme un phare ; il fait des découvertes en conversation ; un fait qui avait échappé à tous les autres et qu’il aperçoit, trois ou quatre déductions et ça y est ; voilà une grande loi physiologique mise en lumière. Avec lui, faire une découverte semble la chose du monde la plus aisée… et Cependant… Moi qu’il appelle son meilleur élève je n’ai pu, malgré un travail acharné de quinze ans faire autre chose que dégager péniblement quelques conséquences de théories qu’il a élaborées, lui, en quelques heures : au cours d’une promenade ou dans une nuit d’insomnie.

Warner. — Avoué tout de même qu’il a des manies bizarres. Ainsi pourquoi diable vouloir travailler dans cette baraque, à trois kilomètres de Paris, alors qu’on a tout ce qu’il faut au quartier latin. Il est professeur libre, mais il aura une chaire, il a fait trop de découvertes pour ne pas s’imposer en dépit des jaloux. Nous aussi, un jour, il faut l’espérer, nous « arriverons », il nous poussera. La drôle d’idée de venir se cacher ici pour travailler, comme si on était des conspirateurs ou des malfaiteurs. Dis ce que tu voudras, mais si le patron n’a pas le grain de toquade qui est la rançon du génie, il a tout au moins une imagination romanesque qui n’est pas le fait d’un homme absolument normal.

Delage. — Tu juges toujours avec légèreté, permets à ton vieux camarade de te le dire. Ce que tu trouves bizarre et romanesque n’a rien que de très naturel. Le Maître vient ici pour pouvoir pratiquer en paix la vivisection, sans être gêné par le