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Les locataires éclataient en plaintes continuelles. Elle nettoyait bien, mais impossible d’empêcher le logement de sentir mauvais. Ces locataires, férus d’hygiène, ne brillaient pas par la propreté ; les commodités, rarement nettoyées, dégageaient une odeur infecte ; mais ils daubaient à qui mieux mieux sur la pauvre vieille dont le principal tort était de ne pas être comme tout le monde. On parlait de faire venir la « Salubrité », une administration redoutable. Sûrement, toutes ces sales bêtes devaient un jour amener une épidémie ; on n’avait pas idée de garder une pareille folle dans une maison. Elle ne parvenait à se faire tolérer qu’à force de pourboires donnés à la concierge.

Parfois, on voyait la « Mort aux Chats » gravir précipitamment son escalier en portant quelque chose dans son tablier. Si un miaulement plaintif se faisait entendre, elle grimpait plus vite encore ; on entendait le bruit d’une clef fourrée à la hâte, un verrouillement affolé, puis, plus rien.

Dans la nuit, elle demandait le cordon, et elle s’en allait pour revenir deux heures après. Un locataire qui rentrait tard, eut un jour l’idée de la suivre ; elle allait dans un terrain vague de la rue Vauquelin. Il la vit creuser un trou et enterrer un chat mort.

Les sorties nocturnes de la vieille se renouvelaient souvent ; on en vint à penser que les chats ne mouraient pas de mort naturelle. On imagina des choses étranges. On savait que la vieille avait de l’instruction ; dans le peuple, un instituteur est un savant. Sans doute elle devait se livrer à des expériences, quelques-uns la jugeaient sorcière.

Elle n’était rien de tout cela. Elle n’avait jamais enseigné que les rudiments aux petits enfants ; elle savait tout juste un peu d’orthographe et d’arithmétique. Quand elle ne s’occupait pas de ses bêtes, elle raccommodait ses chiffons ou lisait quel-