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La mort aux Chats


« L’homme finit dans le désespoir »
(Spinoza)


Le soleil s’est couché derrière la Luxembourg et il fait déjà presque nuit dans le lacis de ruelles que la pioche du démolisseur futuriste a oubliées, derrière le Panthéon. La rue Lhomond, bordée de couvents miteux qui abritent l’enfance d’orphelins pauvres. Le célèbre couvent des Jésuites les domine de très haut ; les murs élevés et nus de sa chapelle répandent leur ombre sur toute la rue. À droite est la rue Rataud une rue qui a une porte de fer que l’on fermait la nuit, autrefois. Le jour, la rue Rataud est embaumée par l’odeur des frênes qui surplombent le mur décrépit de l’École Normale Supérieure. À droite, la rue du Cheval-Vert, la rue des Irlandais, le collège des Irlandais y perpétue le Moyen-Age, les murs recouverts d’une patine noircie semblent dater de Raymond Lulle et d’Abélard. Plus loin, la rue de l’Estrapade, déjà plus large et plus banale ; la rue Tournefort, pleine de couvents aussi. Le dimanche, les lourdes portes de chêne s’ouvrent pour donner passage à leurs pensionnaires. En rang, deux par deux, sous la conduite de religieuses d’ordre divers, elles vont au Luxembourg ou au Jardin des Plantes.

Plus bas, la rue du Pot-de-Fer, presque sans caractère ; elle n’évoque plus que la misère toute simple.