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vements qu’il faisait mais mon moi actuel n’est plus présent à cet acte ; c’est presque comme s’il s’agissait d’un autre enfant et non pas de moi-même.

Le moi est donc, à certains égards, distinct des états de conscience, mais il en émane ; c’est pourquoi il y a un moi d’enfant, un moi d’adulte, un moi de vieillard, un moi d’aliéné.

Les maladies de l’esprit constituent un des arguments les plus forts contre l’existence de l’âme. Comment une âme spirituelle et distincte du corps pourrait-elle être folle ? C’est cependant en pure perte que l’on essaie de raisonner un aliéné, de lui montrer l’absurdité de son délire ; il ne comprend pas, car quelque chose en lui est troublé, qui est plus profond que les idées et la logique.

Lorsque le fou est guéri, il est très difficile de lui faire analyser sa folie. Si on l’interroge, il répond que c’est comme un rêve qu’il a fait ; impossible de relier ce prétendu rêve au moi antérieur et au moi présent ; l’âme folle était une autre âme.

M. Bergson croit au libre arbitre et il voit en lui la preuve de l’existence de l’âme. Notre pensée se distinguerait par sa liberté du reste de la nature qui est dominé par la nécessité.

Nous avons, il est vrai, conscience d’une certaine liberté ; mais est-ce à dire que les actes psychologiques soient sans cause ?

Si je veux, je puis évidemment me jeter par la fenêtre et cependant je sais bien que je ne le ferai pas, parce que je tiens à la vie. Pour que je le fasse, il faudrait des motifs ; quelque grand malheur ou bien la folie qui susciterait en mon esprit des mobiles illusoires. Tout est déterminé en nous comme dans le monde, ce n’est pas par hasard que j’ai telle pensée ; en cherchant je trouverai toujours une pensée ou une perception qui l’a déterminée.

Les lois de l’association des idées expliquent en partie l’enchaînement de nos pensées, en partie seulement, car il faudrait savoir pourquoi parmi tant de souvenirs c’est tel et non pas tel autre qui est réveillé.