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de la jouissance. Le vieillard, après avoir vidé le fond de la coupe, tombe dans le dégoût ou dans l’ennui. Il meurt de spleen et souvent par le suicide. La chance, d’ailleurs, peut tourner, la fortune peut quitter le riche à l’improviste. Un vaisseau sombre, une banque croule, c’est le cours ordinaire et le spectacle perpétuel de la société. Cet homme vivait uniquement pour la richesse et dans l’ordre de jouissance tiré de la richesse. Maintenant la richesse l’abandonne, et la vie du même coup semble aussi l’abandonner ; comme il a oublié au milieu de l’abondance de préparer à son âme un refuge dans le monde supérieur de la pensée, il cherche en vain autour de lui une force de réaction contre la douleur. Il succombe à l’épreuve et roule au fond de l’abîme.

Celui-là seul a fait un bail à perpétuité avec la joie du sage, la sérénité d’esprit, qui a porté son âme à une telle hauteur qu’il l’a placée désormais hors d’atteinte de tous les accidents de passage, et de tous les coups de la destinée. Il a bâti sa demeure sur la montagne, il a fait de ses affections et de ses pensées comme autant de berceaux de fleurs, où, sous les rayons d’un inaltérable soleil, il respire éternellement une brise chargée de parfums. Que me préparez-vous et pourquoi me regardez-vous en pointant vos tablettes ? La prison, l’exil, la souffrance, la ruine de ma maison, le sel semé sur mon foyer ? Que peut contre moi votre colère et la colère de la nature ? J’ai le secret d’Épictète, et à la douleur que vous pouvez m’infliger, je réponds comme lui :