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sensible, tracée en lettres majuscules dans tous les faits et tous les paragraphes de l’histoire. Vous repoussez cette preuve, cependant ; vous jetez un regard sur la constitution sociale de l’Europe, et vous posant de nouveau la question du progrès, vous vous répondez à vous-même :

« Est-ce en félicité publique, dites-vous, que nous voyons ce progrès ? Demandez à cet éternel gémissement qui sort du sein des masses. La même mesure de souffrance et de bien-être paraît être le partage des peuples ; seulement, cette somme de bonheur est plus équitablement répartie depuis l’abolition de l’esclavage et de la féodalité. Mais où l’esclavage est-il aboli ? Sur une étroite partie de l’Europe où le prolétariat le remplace. La barbarie, le despotisme et la servitude occupent encore l’immense majorité des zones géographiques du globe. »

Prenez garde, car en faisant cette concession que la somme de bien-être est plus équitablement répartie depuis l’abolition de l’esclavage, vous avouez, à votre insu, le progrès : un peu plus d’équité, c’est déjà quelque chose ; c’est un acheminement à la rédemption de la masse souffrante de l’humanité.

Mais est-il vrai, comme vous l’affirmez, que l’esclavage a disparu seulement d’une étroite partie de l’Europe ? n’est-ce pas plutôt de l’Europe entière que vous auriez dû écrire, par respect pour la réalité ? J’ai beau promener mon regard de l’Océan à la Vistule, je ne vois nulle