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fusillés devant la porte d’un bureau de tabac. C’étaient deux garçons de l’abattoir de Grenelle. Ils n’avaient pas d’armes. Leur seul crime était d’avoir sous leurs cottes un pantalon de garde national. Jusque vers trois heures, leurs cadavres restèrent étendus dans une mare de sang, la figure recouverte au moyen de leurs mouchoirs. Et les soldats n’étaient pas encore exaspérés par la résistance : ils venaient à peine d’entrer dans Paris. »

Un autre exemple donnera quelque idée du poids que pesait alors la vie humaine.

Il y avait, avenue des Champs-Élysées, au coin de la rue de Berry, une taverne anglaise ayant pour enseigne : À la renommée du stout (the noted stout house), et tenue par un nommé Russell. Le matin du lundi 22, à sept heures, Russell, ignorant encore l’entrée des troupes, ôtait tranquillement les volets de sa boutique comme d’habitude. Il était en manches de chemise, ses enfants étaient autour de lui. Inutile d’ajouter que rien dans les environs n’annonçait un combat. Il va de soi que, dans le cas contraire, la boutique serait restée fermée.

Les soldats se glissaient, ployés, le long des maisons.

Soudain, un des enfants dit : « Papa, un soldat qui te vise ! » Puis Russell tomba. Une balle lui avait traversé le poumon.

Le fait fut raconté, au mois de mai, dans le Daily News, par l’éminent correspondant de la feuille libérale, M. Crawford. Il produisit en Angleterre une vive impression. Une souscription fut ouverte : lord Russell s’inscrivit le premier. Mais les secours passent et la misère reste. Deux des enfants mouraient dix-huit mois après.

J’emprunte un autre exemple encore à un écrivain qui n’est pas suspect de tendresse pour la Commune, M. Maxime Ducamp. Ce nom suffit pour prévenir le lecteur des précautions à prendre avec son récit.