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dressant à l’officier conduisant le convoi, lui dit : « Monsieur, je ne dois pas être confondu avec ces gens-là : j’ai droit à une cellule ; je suis M. Dereure, membre de la Commune. — Dans ce cas, je vais vous loger ailleurs, aux Réservoirs. Mettez-vous là, en attendant, et ne bougez pas. » — Sur un signe, cinq hommes se mirent en face du citoyen Dereure et lui donnèrent immédiatement un logement séparé… Son cadavre est resté étendu jusqu’à huit heures dans la cour de la caserne. »

Les détails sont trop précis pour que le fait soit inventé. Ou un prisonnier (ce qui est peu vraisemblable) usurpa le nom d’un membre de la Commune pour être mis à part : ou il y a dans le récit confusion de nom. Car M. Dereure a pu se sauver et est aujourd’hui en Amérique.

Ces exécutions furent très nombreuses. Des témoins des plus sûrs, qui habitaient alors près de Satory, m’ont affirmé que, tous les matins, ils entendaient les détonations, — et cela longtemps encore après la fin de la lutte.

Arrivons au camp de Satory.

On avait fait tant de milliers de prisonniers qu’il était impossible de les loger ; on les entassa, on les parqua. Tandis que bon nombre étaient entassés dans de longues caves, où l’on était asphyxié par une odeur nauséabonde, la plupart étaient jetés dans cette mémorable cour de Satory, où tant de malheureux ont éprouvé leurs pires souffrances et leurs plus atroces angoisses.

Imaginez une cour très vaste, entourée de murs hauts à peu près de trois mètres, avec des bâtiments d’un côté. Les malheureux que nous avons vus arriver, les pieds en sang, la gorge en feu, le cerveau bouleversé, les vêtements en haillons, étaient entassés là, par milliers,