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Il fit ainsi quelques pas, puis, au tournant du château, reçut un coup terrible sur la tête. — Il n’a jamais su de qui. M. L*** en porte encore la cicatrice. Le sang jaillit, cela le sauva peut-être.

On le jeta sur une charrette, où il fut bourré de coups de pied et de coups de poing. C’est ainsi qu’il arriva à Satory.

Notez que cela se passait avant les incendies.

La colonne où se trouvaient les prisonniers arrêtés dans la maison du Rappel fit le même chemin deux jours après. Les arrestations avaient été faites de grand matin, à une heure où les bureaux de journaux du matin sont vides. On avait arrêté seulement l’imprimeur, des locataires de la maison, l’administrateur-gérant, les compositeurs de l’imprimerie, un rentier, actionnaire du Rappel, qui se chargeait au journal d’un certain nombre de petits soins matériels ; le reporter chargé des nouvelles de la guerre représentait seul la rédaction. En route, la colonne s’adjoignit le frère de notre confrère Depasse, du Siècle, parce qu’il protestait courageusement contre les insultes de la foule.

La colonne, organisée place Vendôme, comptait environ huit cents personnes. Il y avait des femmes dans le nombre. On n’attacha pas les prisonniers ; on leur commanda de se prendre par le bras, quatre par quatre, et de marcher chapeaux bas. On fit charger les armes de l’escorte sous leurs yeux, et on les avertit que toute tentative d’évasion, toute parole à voix haute, serait punie de mort. À la Muette, un escadron de chasseurs à cheval remplaça l’escorte de cavalerie.

Il faisait une chaleur étouffante : on s’arrêta seulement à Ville-d’Avray pour boire. Un prisonnier était resté en arrière. On l’a dit fusillé. Était-ce vrai ? On l’ignora. Mais ce qui est certain, c’est qu’un malheu-