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se demandant si elle allait s’écrouler sur ses hôtes. Les malheureux restèrent là pendant plus de vingt-quatre heures, avec le tintamarre du combat dans les oreilles et un incendie sur leurs têtes ! — Soudain, un fédéré, noir de poussière, tombe au milieu d’eux : puis, des soldats à sa poursuite. Aussitôt pris, aussitôt fusillé… M. M*** se lève, veut dire quelques mots, les soldats le regardent, voient ses vêtements roussis, sa figure enfumée : « C’en est un, empoignez-le ! » On le prend au collet, on le jette à terre, on l’entraîne.

Combien de paisibles bourgeois, saluant déjà, dans l’arrivée des pantalons rouges, la délivrance, la fin des horreurs, eurent une surprise analogue !

M. M*** n’y pouvait croire. Il arrêtait les gens sur son passage : « Mais je suis victime d’une affreuse méprise ! » Partout la même réponse : « Bah ! ils disent tous la même chose ! » Les passants, en le voyant, criaient : « Fusillez-le !… c’est le chef de la bande ! » Le caporal de l’escorte, abasourdi, fit ce que firent dans la semaine beaucoup de ses pareils, il consulta ses hommes : il y eut majorité pour l’exécution. Combien de fusillades furent votées par cet étrange tribunal : les quatre hommes qui conduisaient le prisonnier[1] ! M. M*** est adossé à une maison de la rue Turbigo. Un officier qui passait lui sauva la vie. M. M*** fut conduit dans la cour de la Banque ; il y passa la nuit : le lendemain, il allait au Châtelet.

La cour martiale vit arriver devant elle cet homme bouleversé, noir de l’incendie, épuisé, hébété par les émotions. Le malheureux ne pouvait plus ressaisir une idée dans son cerveau, y retrouver le nom propre d’un ami qui lui servît de caution.

  1. J’ai signalé déjà un fait analogue pour le quartier de la Monnaie.