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mission de l’accompagner au supplice. Tony-Moilin y consentit volontiers, disant que s’il repoussait jusqu’au bout les secours du prêtre, il acceptait avec plaisir la compagnie d’un galant homme.

Maintenant, il restait à voir M. Garcin. Les condamnés appartenaient à cet officier d’état-major, chargé de leur arracher, pour M. de Mac-Mahon, des renseignements sur l’insurrection. La victime avant d’être immolée, passait comme « document humain » dans les mains de ce perspicace historien. Il questionna Tony-Moilin sur ce qu’il pensait de la Commune ; il eut même l’idée ingénieuse de lui demander les noms des chefs étrangers de l’Internationale. La Commune, pour ces messieurs, était un ténébreux complot de romans feuilletons, dirigé du dehors par une sorte de « Vieux de la montagne » ; et M. Garcin voulait trouver le fil du roman qu’il rêvait.

Tony-Moilin, persécuté par ce questionneur, repartit simplement et obstinément :

« Je ne connais pas les noms que vous me demandez, et, si je les connaissais, je ne vous les dirais pas. »

Enfin le peloton arriva. Le condamné embrassa sa femme et marcha au supplice.

La malheureuse femme resta là. C’était affreux : M. Garcin était toujours entouré par sa meute de dénonciateurs. Les bourgeois lâches et féroces qui avaient cherché la piste de Tony-Moilin, qui l’avaient rabattu, qui l’avaient livré, les F***, les D***, les G***, étaient là, avec le capitaine d’état-major. Il fallait subir leur révoltant voisinage. Madame Moilin était soutenue par l’idée de voir et d’obtenir les restes du fusillé. Le prévôt lui avait promis qu’ils lui seraient remis, si c’était possible. Elle avait fait demander par Tony-Moilin qu’on donnât le coup de grâce au cœur, pour ne point abîmer le visage.