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On comprend maintenant à quels sentiments obéissaient beaucoup des fusilleurs bonapartistes de Mai. On a souvent comparé le comité central s’insurgeant contre l’Assemblée de 1871 à Louis Bonaparte s’insurgeant contre l’Assemblée de 1851. Ces fusilleurs retournaient la comparaison. Incapables de s’embarrasser de subtiles considérations de légalité, ils ne connaissaient qu’une chose : le côté sur lequel il faut tirer : c’était celui du peuple et des républicains. Ils croyaient faire la même besogne, il y a neuf ans, au service du pouvoir légal, et il y a vingt-neuf ans, au service de l’insurrection de Louis Bonaparte. Le général Vinoy, commandant aux exécuteurs de Paris après la Commune, avait la conscience de continuer le colonel Vinoy faisant assassiner Gaubert dit Béguin et sept autres défenseurs de la loi, dans les Basses-Alpes, au 2 décembre.

Un officier d’état-major, qui fit, dans l’enquête sur le 18 mars, une déposition très instructive sur les exécutions de mai 1871, le capitaine Garcin, exprime naïvement cette confusion. Il s’agit de Tony Moilin, fusillé pour la part qu’il avait prise au 18 mars.

« Madame Tony Moilin avait demandé que son mari fût fusillé d’une certaine façon, qu’on ne touchât pas à la tête et qu’on lui donnât le cadavre. Le général en chef n’a pas cru devoir déférer à cette demande. On s’est souvenu de l’affaire Baudin ; il a été enterré dans la fosse commune, et des ordres ont été donnés pour qu’il ne fût pas retrouvé. »

Ainsi pour M. Garcin et pour son « commandant en chef l’homme qu’on fusillait comme insurgé se confondait avec le représentant du peuple assassiné par le coup d’État.

On verra dans la suite de ce récit qu’un général bonapartiste trouvait tout naturel de faire fusiller avec