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l’Assemblée, le capitaine Garcin chargé d’interroger les prisonniers, et d’autres, étaient en train de déjeuner, et se mirent à la fenêtre pour regarder.

C’était un charivari de cris : « Millière ! À mort Millière ! » Un soldat, qui tenait son fusil par l’extrémité du canon, sans baïonnette, criait : « C’est moi qui l’ai pris ! » MM. Louis Mie et Leymarie lui ont entendu ajouter : « C’est moi qui dois le fusiller ! » M. Marpon et un de ses amis l’ont entendu dire au spectateur posté à la fenêtre, cette phrase irrévérencieuse, qui montre combien l’orgueil de sa capture lui tournait la tête : « Descendez, général ! ». On ne fît pas même un simulacre de jugement. À deux pas, dans une salle du Luxembourg, il y avait une soi-disant cour martiale. L’idée d’y conduire le représentant Millière ne vint à personne, pas même au commandant du 2e corps, qui regardait la scène de la fenêtre. Un garde national, à brassard tricolore, aux fortes épaules, prit Millière au poignet et le colla au mur de la façade. La foule le huait toujours : « Voleur ! assassin ! incendiaire ! » Quelqu’un cria : « Décoiffe-toi, coquin ! » Millière était très calme : il plaça son chapeau sur le socle d’un pilastre et croisa les bras.

Un prêtre en chapeau haute forme sortit du Luxembourg : l’aumônier des fusillés ! Car les meurtriers du Luxembourg, comme ceux de la caserne Lobau, avaient l’attention d’offrir les secours de la religion à leurs victimes : et il y avait des prêtres qui faisaient leur métier avec un pan de leur soutane traînant dans le sang du massacre.

Millière congédia le prêtre d’un geste tranquille. L’abbé insistait : un officier l’invita à se retirer. Puis il se fit un mouvement dans les soldats : ils se disposaient pour le feu de peloton, mais avec une telle confusion et si