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fait aurait grossi en passant de bouche en bouche et les journaux auraient raconté qu’on avait fusillé au coin de la rue du Colisée, une femme qui portait trois litres de pétrole, pour le moins. C’est ainsi que, dans la plupart des récits qui précèdent, on trouve sur la victime quelques flacons d’un liquide incendiaire. Nos lecteurs savent déjà, par les récits de l’affaire Saint-Sulpice, de quelle façon les faits se transforment dans les feuilles du temps.

Un ancien interne de Lariboisière m’affirme qu’on a fusillé, sous les fenêtres de l’hôpital, des femmes sur lesquelles on avait trouvé un paquet d’allumettes ou un rat de cave. En pareil cas, le rat de cave s’allongeait de récit en récit. Veut-on un exemple des développements qu’il pouvait prendre dans l’imagination du public et dans les colonnes des journaux ? Je lis dans la Liberté du 30 mai :

« On a arrêté, ce matin, rue Montmartre, une femme dans les poches de laquelle on a trouvé 134 mètres de mèches à pétrole. »

Vous avez bien lu : cent trente-quatre mètres. Quelles poches que celles qui contenaient un tel paquet !

Un journal versaillais rapporte le mot d’un soldat breton qui donne bien l’idée de l’état d’esprit des massacreurs. « Je rencontrerais le bon Dieu lui-même, disait-il, que, si je lui trouvais du pétrole, je le fusillerais ! »

C’était chose sinistre que cette fureur qui joncha Paris de victimes. « En des temps comme ceux-ci, dit le Times du 29 mai (lettre de Paris datée du jeudi), un soupçon vaut une condamnation, et c’est perdre son temps que d’essayer une défense qui ne sera pas écoutée. » — Dans le numéro de la veille (lettre datée du mardi 23 et du mercredi 24), le journal anglais décrit les exécutions de femmes au Palais-Royal : « Je