Page:Peguy oeuvres completes 08.djvu/57

Cette page n’a pas encore été corrigée

G L I nous l'élisions ; que nous l'aimions. Elle se passe fort bien de nous. Par elle en réalité tout homme héroïque est héroïque malgré son consentement. La réalité, l'événement, l'histoire, le temporel n'est pas seulement injuste. Il est en réalité tout ce qu'il y a de plus injuste. Et surtout il n'est pas injuste accidentellement, il est en réalité injuste essentiellement. Cette idée que c'est commode, que ça s'arrange (bien) est l'idée la plus fausse du monde. Quand on dit que la justice n'est pas de ce monde, on ne veut pas dire seulement, ce qui ne serait rien, ce qui n'aurait qu'un peu de sens et pas beaucoup d'intérêt, que la justice ne règne point sur cette terre uniformément, posément, calmement, ennuyeusement, comme en plaine, et pour ainsi dire horizontalement, qu'il y a des trous, qu'il y a des manques ; qu'il y a des à coups; encore des fondrières ; que le sol de cette terre n'est point uniformément revêtu de cet uniforme, d'un manteau de justice, du manteau de la justice temporelle ; que fragmentaire- ment, parcellairement, comme une mosaïque qui man- querait par places, qui par morceaux se serait effon- drée ; on ne veut point dire que par hasard et tempo- rairement, que fortuitement la justice manque ; comme dans un mauvais pavé de bois il manque des pavés. Cette idée fausse pédagogique, cette idée d'enseigne- ment public et privé, cette idée d'homélie et d'exhorta- tion que c'est facile, je vous crois, que c'est commode, que ça s'arrange bien, la vie, que c'est'arrangeant, que c'est une histoire commode, une aventure ordinaire,

47

�� �