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Tout autre est la destination, tout autre est la fabri- cation de l'homme qui entend être l'homme d'un siècle. Il ne lui suffit plus d'être centenaire et séculaire ; ce ne serait qu'un premier degré ; il faut que son siècle emplisse le siècle et pour cela il faut que son siècle coïncide avec le siècle .

Ici se présente une première difficulté, car tout homme, fût-il candidat centenaire et séculaire, n'est point assuré de vivre cent ans. Mais avant d'en venir à cette première difficulté, ou plutôt à cette difficulté préliminaire avouons tout de suite qu'il y a une bien plus grosse difficulté, sur laquelle tout repose, et notam- ment sur laquelle toutes les autres difficultés reposent. Car celle-ci est une difficulté de soubassement. Et elle est bien faite pour tenter l'homme qui serait à la fois et philosophe et moraliste et historien et chroniqueur. Mais cette fois-ci aussi elle est trop grosse et nous la laisserons pour une autre fois, en admettant qu'il y ait d'autres fois. C'est la question de savoir comment il se fait qu'il y a des siècles ; et comment ces dates, ces coupures par cent qui sont évidemment purement arbi- traires, qui pour le rationaliste ne sont évidemment que des coupures arithmétiques, en réalité sont deve- nues des articulations de l'événement de l'histoire.

Ce sont là de ces questions, (dit-elle), qui prêtent à rire aux malins; et qui n'arrêtent point le rationaliste ; et qui n'existent point pour l'esprit fort. Mais elles existent pour l'homme qui se méfie, pour l'homme qui a vécu, et qui a le souci de ce qui se passe un peu

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