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G L I vailler sur la carie, que de travailler sur le terrain. C'est moins fatigant et il se convainc que cela revient au même. Et même que cela vaut peut-être mieux. Puisque c'est plus clair, puisqu'il y est plus à l'aise. Et au besoin il dirait que c'est plus réel. Alors au lieu de s'enfoncer dans sa mémoire, il fait appel à ses souve- nirs. A une remémoration organique il préfère un retracé historique. C'est-à-dire que comme tout le monde il faut dire le mot, il aime mieux prendre le che- min de fer. L'histoire est ce long chemin de fer longi- tudinal qui passe tout au long de la côte, (mais à une certaine distance), et qui s'arrête à toutes les gares que l'on veut. Mais il ne suit point la côte elle-même, il ne coïncide point avec la côte elle-même, car sur la côte elle-même, à la côte il y a les marées, et l'homme et le poisson, et les embouchures des fleuves et ruisseaux, et la double vie de la terre et de la mer.

L'homme, dit-elle, aimera toujours mieux se mesurer que de se voir.

Le vieillard, dit-elle, ne sait pas ce que c'est que vieil- lir, (il ne le sait plus), (heureusement), il ne connait, il n'entend plus rien au vieillissement. Mais l'homme de quarante ans, qui se sent exactement sorti de sa jeu- nesse, et qui regarde en soi sa jeunesse perdue, celui-là sait ce que c'est que de vieillir et le vieillissement.

Le vieillard se promène au long de sa vie. Il regarde au long de sa vie. C'est la voie ferrée. Mais l'homme de quarante ans voit que sa jeunesse vient juste de lui échapper, et qu'il a perdu sa jeunesse ; amisit ac per-

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